mercredi 13 juillet 2011

Ici, c'est Paris!, de V. Martin (Article paru dans Brain Magazine)

Alors que Marine crève les sondages et que l'UMP propose de renvoyer les immigrés en croisière Costa, un groupe de fachos parisiens décore Paname avec ses stickers bleu-blanc-rouge. Depuis 2008, le Projet Apache lutte contre « l'islamisation de la France » et donne des cours de self-défense à ses membres pour mater les racailles. En même temps, il milite pour la fermeture des Grecs et des Mac Do et incite les Français à manger 100% bio. Ou comment mélanger tous les programmes de tous les partis.

" C'était en février, juste après la mort d'un ado dans un Quick à Avignon. A midi, on a déboulé au Quick de Nation, habillés tout en noir, avec une banderole « La malbouffe tue ». On a distribué des tracts aux clients pendant qu'un mec de chez nous , déguisé en la Mort, donnait « rendez-vous » aux clients qui continuent à manger dans les fast-foods. C'est simple, les fast-foods, c'est obésité, manque d'hygiène, addictions... Sans parler de la disparition des petits commerces et des produits du coin. Regarde le film Supersize Me, c'est ça. » Olivier et Suzanne sont des Apaches. 30 ans, p'tites-Converse, p'tit-Diesel, p'tite-chemise, ils habitent à Ivry. Lui est consultant financier, elle bosse dans une boite de com'. Ok, mais si on ferme les Grecs et les Mac Do, on va manger quoi? « Avec Suzanne, on fabrique nos yaourts et notre pain nous-mêmes. Et on milite au sein d'AMAP. » American Apparel? « Non, l'Association pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne: on consomme des légumes de saison, pas traités, sans intermédiaires et à moins de 150km de chez nous. » Sur projet-apache.com, on apprend même qu'en avril, les légumes de saison, c'est navet, radis rose, artichaut, asperge, blette... Et sinon, y' a des trucs bons dans ce que vous mangez? « Nous on dit, fermons les fast-foods avant qu’ils nous tuent. On n’a pas besoin d’eux pour vivre, eux ont besoin de nous pour survivre. Si on n'y va plus, ils disparaitront. A jamais. »

Ok, pigé pour le retour à la nature, les gilets en peau de saucisson et les fromages de chèvre qui rendent aveugles. Donc vous êtes des fachos... de gauche? « A l'origine, les Apaches, c'est des bandes de jeunes Parisiens du début du siècle, qui vivaient à Belleville ou à Ménilmontant, qui se bagarraient, qui fauchaient... Le Projet Apache est né il y a trois ans. On est des Identitaires. On défend notre identité parisienne, française et européenne contre ce qui menace notre civilisation, à savoir l’immigration massive et l’islamisation. Aujourd'hui, on est soixante-dix membres et autant de sympathisants. Tout le monde a entre 15 et 30 ans. On est plutôt des banlieusards, blancs, genre white trash. Y'a de tout: des éboueurs, des mecs qui bossent à l'usine et qui font les 3-8, des juristes, des lycéens. On a même un collégien, Romain, il est en 3ème. Semaine type? Happening, tractage, stickage ou défilés. » Une fois par an, en janvier, Joe l'Indien, Pocahontas et les Apaches défilent, flambeaux à la main, entre Notre-Dame et le Panthéon en l'honneur de Ste Geneviève, la Ste patronne de Paris et des gendarmes, en gueulant « Paris est patrie! » Okééé... « Et puis, il y a des manifestations spéciales comme le 140ème anniversaire de la Commune qu'on vient de fêter. On est monté sur les marches du Sacré-Cœur et on a déployé des banderoles de 10m de long: « Peuple de Paris, souviens-toi du sang versé », avant de vider des jerricans de peinture rouge. » Et l'hiver, vous vous repassez les premières saisons des Brigades du Tigre? « Pour nous, Paris c’est pas seulement une grande capitale habitée par des Bobos. Derrière, il y a aussi un peuple et une Histoire. Des gens ont vécu, grandi, aimé et créé à Paris. Des gens s’y sont battus, comme les Communards qui ont repoussé les Prussiens en 1871. »

D'accord mais je croyais qu'un facho, ça fabriquait des croix gammées en scoubidou ou que ça priait en bermuda de velours à la cathédrale de Chartres? Pas que, nous dit Jean-Yves Camus, politologue et spécialiste de l'extrême droite: « Les Identitaires, c'est un mouvement né dans les années 90 et qui défend les Européens blancs. Ils ont pris la place des skinheads qui ont disparu. Le style a changé. Prenez le Projet Apache: il n'y a pas de violence de rue et le discours est plus profond, plus abouti. Politiquement, ils sont entre Le Pen et de Villiers. » Premier coup d'éclat d'un Identitaire, le 14 juillet 2002: Maxime Brunerie, un néo nazi membre d'Unité Radicale, essaye d'allumer Chirac à la carabine pendant son défilé sur les Champs-Elysées, en mode JFK. Une réaction, Olivier? Suzanne? « Brunerie, c'est un barjot, un pauvre type. Il a fait ça après une déception amoureuse. On a rien à voir avec lui. » Bref. Dans la foulée, Unité Radicale est dissoute. Les dirigeants d'U.R. fondent alors le Bloc Identitaire et depuis, les groupuscules identitaires poussent comme des champignons de Paris au fond des catacombes: Jeune Alsace en Alsace, Nostra Revolta en Languedoc, Vague Normande en Normandie ou les Apaches à Paname. « On a monté le Projet Apache à l'époque où on commençait à parler des Identitaires, de la soupe populaire au cochon... On avait envie d'être efficace et de lutter contre l'islamisation, la mondialisation, le libéralisme. »

Ah ben voilà! Des trucs de fe-fas, quoi! « La société française a appris au petit Blanc de banlieue à fermer sa gueule. Aujourd'hui, un jeune Blanc est forcément emmerdé par des racailles. On le traite de « sale cé-fran », de « sale blanc ». Regarde Suzanne, elle en a bouffé du chewing-gum dans les cheveux! » L’huile d'olive sur un Demak-up, il paraît que ça marche très bien. « Et aujourd'hui, les filles de banlieue ont peur de se faire convertir de force. C'est pour ça, on est anti-racailles. » Résultat, les Apaches filent un coup de main aux commerçants qui se font chourer des Haribo et envoient un service d'ordre autour du Champ-de-Mars la nuit du bac. « Une fois, à la Techno-parade à Bastille, on a vu une fille à moitié violée par dix lascars, elle s'est retrouvée en soutif au milieu de la place. C'est pour ça qu'on pousse nos membres à se battre. Dans le temps, on savait se défendre. On a un club de sport, le Genovefa Fight Club, c'est une initiation au combat. » Sans parler du petit manuel d'auto-défense téléchargeable en ligne, histoire d'éviter les bourre-pif dans les Noctambus parisiens. Leçon 1: « Je rentre dans le bus en observant le risque potentiel », « Au début de l'agression, je me mets en garde pour protéger ma tête et utilise mes pieds pour repousser les barbares », « Je n'oublie pas que mes agresseurs ont aussi peur que moi. »

Et l'Islam, pote ou pas pote? « On est 100% contre l'islamisation de la France. Ce sont des mœurs et des coutumes très différentes des nôtres. L'Europe n'est pas une terre d'Islam. S'il y a 1 ou 2% de Musulmans, ça va. Mais dans certaines villes, ils sont majoritaires et ils font la loi. Pour que les gens vivent ensemble, il faut qu'ils aient un minimum de choses à partager. Là, c'est pas le cas. Donc nous aussi, on revendique le droit de vivre, de travailler, de fonder des familles avec les gens qui nous ressemblent. C'est pour ça qu'on est contre la construction de mosquées. » Mais alors, vous êtes racistes? « Non, pas racistes au sens: on ne fait pas de hiérarchisation des races. Moi, mon père est pas français, il vient d'ex-Yougoslavie. Mais on prône la relocalisation de l'humain, c'est à dire, remettre l'individu là d'où il vient. Le Parisien à Paris, le Malien au Mali. C'est clair, les immigrés détestent la France... On le voit dans le foot, les manifs... Tu aimes l'Algérie? Retournes-y! » Pas racistes, donc.